Après l’aspect scientifique de la mission JUICE (JUpiter ICy moons Explorer), petit focus sur l’aspect technique avec Thomas Schirmann, ingénieur chez Airbus Defence and Space et en charge du développement de la sonde.
AB : La mission JUICE s’élancera depuis Kourou en 2022. Quel sera son plan de vol ?
TS : La sonde utilisera l’assistance gravitationnelle pour prendre de la vitesse pendant son trajet. Elle effectuera successivement des survols (ou « fly-by ») de la Terre, Vénus, la Terre, Mars puis la Terre avant de rejoindre la trajectoire finale vers Jupiter. Le voyage durera 7 ans et demi, jusqu’à l’insertion autour de Jupiter en octobre 2029.
AB : Quels seront les principaux risques durant le voyage jusqu’à Jupiter ? Y aura-t-il des risques pour la sonde lorsqu’elle sera proche de Jupiter ?
TS : La sonde devra résister à l’environnement chaud lors de son passage vers Vénus. Elle utilisera pendant cette période sa grande antenne (2.5m de diamètre) comme bouclier thermique. La liaison sera alors assurée par une antenne plus petite montée sur un mécanisme.
La sonde doit aussi être robuste aux micrométéorites, susceptibles de dégrader sa surface. En particulier, les matériaux thermiques isolants utilisés sont aussi prévus pour résister à ces micrométéorites.
Source photo : Airbus.com
AB : Quels sont les caractéristiques techniques de JUICE ?
TS : C’est un gros satellite de plus de 5 tonnes au lancement, dont près de 3 tonnes de carburant ! Il embarquera 10 instruments scientifiques, dont un radar, plusieurs instruments optiques et un magnétomètre. La masse totale des instruments est d’environ 220 kg, soit environ 10% de la masse sèche du satellite. Il y aura 2 panneaux solaires d’une surface totale d’environ 90 m², permettant de générer un peu moins de 800 watts autour de Jupiter.
AB : Quel est le coût de la mission ? Combien de pays participeront à son financement ?
TS : La mission est financée par l’ESA et ses 22 états membres, ainsi que par les agences nationales qui financent les instruments. On estime le budget global à plus d’un milliard d’euros.
AB : La mission présente-t-elle des nouveautés techniques par rapport aux autres missions ?
TS : Les difficultés techniques principales sont les suivantes :
- Utilisation de cellules solaires dans un environnement où la température est très basse (jusqu’à -220°C en fin d’éclipse de Jupiter) et où le niveau de radiation est élevé.
- Robustesse des équipements électroniques aux radiations causées par les particules électriques piégées dans le champ magnétique de Jupiter.
- Prévention des décharges électrostatiques potentiellement causées par les électrons circulant dans le champ magnétique de Jupiter.
- Minimisation des émissions électromagnétiques du satellite, susceptibles de perturber les mesures de certains instruments scientifiques.
AB : Quelle sera la durée de la mission ?
TS : Un peu plus de 11 ans, dont 7.4 ans de trajet et un peu moins de 4 ans autour de Jupiter. La mission se terminera par une insertion autour de Ganymède en septembre 2032. En juin 2033, la sonde s’écrasera sur Ganymède, ceci pour éviter toute collision future avec la lune Europe, qui fait l’objet de mesures spécifiques de protection planétaire.
Retrouvez les deux autres articles consacrés à la mission JUICE :
https://astrobook21.blog/2019/06/11/des-glaces-pour-juice/
Et l’entretien avec Olivier Witasse (planétologue à l’ESA) :
https://astrobook21.blog/2019/06/18/entretien-avec-olivier-witasse/
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