Géologue de formation, Charles Frankel s’est tourné, au début des années 80, vers la vulgarisation scientifique. Début des années 90, il publiera plusieurs ouvrages dédiés à la géologie et à l’exploration des planètes du système solaire.
Il est également l’auteur d’un ouvrage récent consacré aux mission Apollo : « L’aventure Apollo – Comment ils ont décroché la Lune », aux éditions Dunod.
A cette occasion, j’ai pu poser quelques questions au sujet de la Lune et de son exploration…
Source : https://blogs.futura-sciences.com/frankel/qui-suis-je/
AB : Il y a quasiment 50 ans jour pour jour, Neil Armstrong devenait le premier homme à marcher sur la Lune. Que retenez-vous de ce moment ?
CF : J’avais treize ans à l’époque, et j’étais fatigué par la longue veillée de l’alunissage : mes souvenirs en sont donc un peu… fatigués ! Mes parents et moi étions allés chez le voisin qui avait un poste de télévision, et tout le monde était très excité. J’ai pu beaucoup plus profiter des alunissages suivants, notamment Apollo 15, car en 1971, j’avais quinze ans, et la retransmission était bien meilleure et en couleurs.
AB : Quel a été l’apport scientifique des missions Apollo ?
CF : La découverte la plus importante a été celle de l’origine de la Lune elle-même, grâce à l’analyse chimique des roches lunaires. On a compris qu’au début de l’histoire du Système solaire, il y a eu de gigantesques collisions entre les planètes naissantes, et notamment celle d’une petite protoplanète avec notre jeune Terre, dont la Lune représente les débris amalgamés.
AB : On s’attendait à l’époque, à trouver beaucoup de roches volcaniques. Est-ce que cela a été le cas ?
CF : Oui, la croûte de la Lune est elle-même constituée d’une « écume » de magma solidifiée, riche en feldspath, à travers laquelle d’autres magmas basaltiques –plus riches en fer et magnésium– ont ensuite percé pour nourrir des coulées de lave dans les bassins : les mers lunaires. Ces laves sont essentiellement des basaltes. Elles ont ensuite été pilonnées par des impacts d’astéroïdes au cours des âges, et leurs fragments mélangés et soudés ensemble en « puddings » que l’on appelle des brèches d’impact.
Un morceau de roche lunaire rapporté par la mission Apollo XV (photo : Wikipedia.org)
AB : Les roches lunaires rapportées par les astronautes font-elles encore aujourd’hui l’objet d’études ?
CF : Oui, le stock de roches lunaires est géré par un laboratoire à Houston, qui chaque année envoie des échantillons de roche ou de sol à tout chercheur qui en fait la demande écrite, avec un projet d’étude qui passe en commission. Mais c’est un prêt : l’échantillon doit être restitué à la fin. Environ 400 échantillons sortent ainsi chaque année du centre de Houston, chacun représentant quelques grammes à quelques dizaines de grammes. Au-dessus de 10 grammes, il faut venir en personne le chercher à Houston, mais les petits échantillons circulent carrément par la poste !
AB : Avons-nous encore des choses à apprendre sur notre satellite ?
CF : Les astronautes n’ont exploré la Lune, au sol, qu’une centaine d’heures au total, et recueilli moins de 400 kg d’échantillons. Si on en était là pour la planète Terre, on ne saurait pas grand-chose sur notre planète ! Rien qu’avec ça, on a déjà appris beaucoup. Mais toute réponse appelle dix nouvelles questions, et donc les géologues brûlent d’impatience d’y retourner, même sur les sites déjà explorés, pour approfondir leurs premières recherches. Sans compter les centaines d’autres endroits inexplorés où l’on voudrait se poser !
AB : Quel serait l’endroit idéal pour une prochaine mission sur la Lune, d’un point de vue scientifique ?
CF : La région du Pôle Sud sera à coup sûr le prochain site pour une expédition humaine, en particulier parce que l’on veut vérifier s’il y a de la glace d’eau dans l’ombre permanente et frigide au fond des cratères. Mais aussi parce que le Pôle Sud a été affecté par un très gros impact, il y a quatre milliards d’années, qui a probablement rejeté en surface des roches issues de très profond dans le manteau lunaire.
AB : D’après vous, remarcherons-nous sur la Lune dans les 10 années qui viennent ? Quels sont les principaux freins ?
CF : Seuls les Américains sont capables de reposer des astronautes sur la Lune dans les dix prochaines années : ils en ont même l’intention depuis cette année, l’administration Trump craignant d’être dépassé par la Chine dans cet exercice. Le président a enjoint la NASA à atteindre cet objectif en 2024, ce qui paraît prématuré et dangereux aux yeux des spécialistes, mais on peut envisager de façon réaliste que l’objectif sera atteint d’ici 2028. Jusqu’ici, le frein principal a été budgétaire, car les ressources de la NASA étaient déjà allouées à la Station Spatiale Internationale ; son abandon à court terme va permettre de changer d’objectif. L’autre frein est la prise de risques : au temps Apollo de la guerre froide, le risque était permis. Dans notre civilisation timorée, ce n’est plus le cas. Quant aux Chinois, ils ne seront pas loin derrière, puisqu’on leur prête l’intention de poser leurs propres cosmonautes sur la Lune dans la fourchette 2030-2036.
Pour en savoir plus sur les activités de Charles Frankel, n’hésitez pas à suivre son (excellent) blog : https://blogs.futura-sciences.com/frankel/
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Merci pour toutes ces informations.
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