De multiples représentations du monde ont fleuri dans l’imaginaire des Hommes, des civilisations. Guillaume Duprat, auteur de plusieurs ouvrages et notamment le dernier « Univers, des mondes grecs aux multivers », s’attache à collecter les diverses (et nombreuses) représentations du monde. Une approche pluridisciplinaire pour retracer l’évolution de notre pensée.
AB : D’où vous vient cette attirance pour la cosmologie ?
GD : Pour répondre à cette question il faut déjà s’entendre sur ce qu’est la cosmologie… Il y a plusieurs types de cosmologies, en l’occurrence, je m’intéresse aussi bien à la cosmologie scientifique – la description de l’univers dans son ensemble – qu’à la Cosmologie au sens plus large, c’est-à-dire les visions mondes des civilisations anciennes ou disparues, des sociétés autochtones, des traditions orales. Les raisons qui m’ont poussé vers la Cosmologie sont multiples : des souvenirs liés à l’enfance comme l’émerveillement provoqué par le simple dessin d’étoiles, l’imagination des planètes explorées par le Petit Prince, la sensation de ne pas être au monde, etc. Et puis, vers vingt ans, au contact de la culture ouest-africaine et lors de différents voyages dans d’autres parties du monde, j’ai pris conscience de la disparition de cosmologies à cause des développements asynchrones des monothéismes et de la cosmologie scientifique. Je me suis alors intéressé à la mythologie et à l’archéoastronomie et j’ai commencé des enquêtes cosmologiques. C’est un sujet merveilleux dans lequel j’ai l’impression de voyager à travers les cultures, dans le temps et l’espace. J’y consulte des sources multiples, dans plusieurs champs de connaissance : histoire des sciences, histoire de l’astronomie, philosophie, anthropologie, histoire des religions, voire même histoire de l’art. Je collecte des informations, je les ordonne, leur donne du sens. Parfois je dessine des mondes, notamment pour des livres ou des projets muséographiques. L’angle adopté sur la cosmologie est tellement large que j’ai plusieurs vies devant moi avant d’être lassé par le sujet.
© Guillaume Duprat
AB : Vos illustrations apportent un véritable aspect poétique à l’Univers. Beaucoup de personnes voient les sciences comme quelque chose réservée à une élite. Ce genre de livre est-il un bon moyen de réconcilier le public avec les sciences en général ?
GD : Je l’espère. Du moins, c’est ce que je vise. A l’évidence, il y a un énorme décalage entre la vision du monde des scientifiques et celle du commun des mortels. Ce décalage n’est pas nouveau mais, avec le développement des mathématiques et des sciences physiques depuis le début du xxe siècle, ce décalage est en train de s’accentuer. De nombreux astrophysiciens font un travail de vulgarisation fabuleux pour rendre compte des découvertes incessantes dans ces domaines foisonnants. Personnellement, je crois que l’image peut aider à faire passer ces concepts. Comme j’étudie l’histoire de la Cosmologie sous tous ses aspects depuis 15 ans, je suis assez familier avec cette histoire et j’y ai trouvé bien des clefs de compréhension. Par exemple, dans Univers, j’utilise des métaphores très simples pour rendre accessible des systèmes du monde complexes. La plupart de ces métaphores proviennent de textes originaux. Ces métaphores ont une dimension poétique qui peut se passer de discours dans un premier temps, mais elles ne suffisent pas. Dans le livre, ces dessins sont imprimées sur ce qu’on appelle des flaps (rabats), le lecteur peut les soulever et découvrir ensuite un autre type des représentation, avec des images détaillées et surtout légendées. Ces deux niveaux de lecture, le niveau poétique et le niveau informatif, sont complémentaires.
AB : Vous vous intéressez aux représentations du cosmos à travers les siècles. A votre avis, à quoi ressemblera notre vision de l’Univers dans quelques siècles ?
GD : Je n’en sais rien! Intuitivement, Parmi les hypothèses scientifiques contemporaines, je trouve les différentes sortes de multivers très prometteuses.
AB : Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet « Cosmologik » que vous menez ? Quels sont ses intérêts ?
GD : Commencée il y a plus de 15 années, c’est une recherche personnelle sur les multiples représentations du monde dans les cultures. Qu’il soit féticheur dogon, chamane yekuana, mystique soufi, prêtre égyptien ou maya, philosophe présocratique, tous se posent parfois des questions analogues : D’où vient le monde ? A-t-il une forme ? Quelle est la place de l’Homme dans l’univers ? Ces questions donnent lieu à des descriptions et des représentations que le projet Cosmologik collecte et rend accessible (articles, livres, projets muséographiques). Les informations recueillies constituent une base de données, environ 1500 sources (textes et images) correspondant à environ 200 peuples/cultures.
AB : Quels sont les savants, les civilisations qui vous fascinent le plus de par leurs connaissances de l’astronomie ?
GD : Dans ma recherche, j’essaie de ne pas faire de hiérarchie et m’intéresse à absolument toutes les visions du monde, même si certaines d’entre elles, notamment celle des monothéismes, ont grandement altérées les autres. Si je sors de mon objectivité, je dois avouer que je suis assez admiratif devant la profusion des systèmes du monde des Grecs présocratiques, émerveillé par l’imagination des visions du monde des traditions autochtones comme les aborigènes Warlpiri ou les indiens Yekuana, et très intéressé par la cosmologie contemporaine, si imaginative.
© Guillaume Duprat
AB : « Univers – des mondes grecs aux multivers » est votre 6ème ouvrage. Y en aura-t-il un septième ?
GD : J’ai décidé de consacrer mes prochains ouvrages à un jeune public. Quand je ne travaille pas sur les cosmologies, j’explore le thème de la relativité des regards. Le prochain livre est un album sur le point de vue des monstres. Mais après, j’ai en tête un autre projet de livre pour enfants qui touche à la cosmologie…
Et pour en savoir plus sur le projet Cosmologik, rendez-vous sur le site internet : https://cosmologik.wordpress.com/